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Ce site a été réalisé par Dominique Moulon avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Délégation au développement et aux affaires internationales).
Les articles les plus récents de ce site sont aussi accessibles sur “ Art in the Digital Age”. |
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L’ART PROGRAMME SELON ANTOINE SCHMITT
Artiste plasticien et programmeur, Antoine Schmitt est né en 1961. Il vit et travaille à Paris. Son travail à été exposé dans de nombreux musées et centres d’art. Il a récemment été primé dans des festivals internationaux tels “Medi@terra”, “Interférences”, “Transmediale”, “Vida”, “Machinista” et “CYNETArt”. Antoine Schmitt est aussi membre de “Transitoire Observable”, un regroupement d’artistes programmeurs.
Vous avez pratiqué la programmation bien des années avant de devenir artiste. Parallèlement, vous semblez vous être intéressé à la philosophie tout au long de votre parcours. Est-ce là une des raisons principales de votre attachement aux théories cybernétiques et plus généralement à la nature humaine ?
La question philosophique a toujours été très présente, même si je ne l’ai jamais ancrée dans une démarche universitaire, mais plutôt nourrie par des lectures tous azimuts, en particulier des classiques grecs tel Platon ou Aristote et leurs successeurs tel Kant et surtout Schopenhauer. En parallèle, la programmation a, dès mes 16 ans, été un champ d’exploration passionné. Je programmais des jeux vidéos sur des calculatrices programmables dès 1977. Lorsque j’ai décidé de devenir artiste, ces chemins parallèles se sont rejoints, en particulier autour des concepts de hasard et de créature, se nourrissant donc de cybernétique, qui est la science du contrôle chez les machines et les êtres vivants et qui a donné naissance à l’ordinateur, tel que nous le connaissons aujourd’hui.
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Display Pixel, performance audiovisuelle réalisée en collaboration avec Vincent Epplay (2001-2006). |
Vous vous définissez comme un artiste programmeur et regroupez, sur le site “GRATIN.org” (Groupe de Recherche en Art et Technologies Interactives et/ou Numériques) que vous avez conçu en 2000, plusieurs pratiques au sein d’une discipline que vous nommez “art programmé”. Quelles sont les spécificités de ce domaine de recherche ?
L’art programmé s’attache aux formes nées du fonctionnement d’un programme. Ces formes peuvent être visuelles, sonores, textuelles… La programmation, c’est-à-dire la possibilité pour les artistes de fabriquer des actions futures, constitue un médium de création radicalement nouveau. Ce champ de recherche et de création est très récent et cherche son langage artistique. C’est une période réellement très excitante.
Des créations comme “Psychic” ou “Venus # 1” ne sont-elles pas respectivement aux frontières de l’intelligence artificielle et de la vie artificielle ?
Psychic” est une œuvre qui regarde les spectateurs et décrit, avec des mots affichés sur le mur, ce qu’elle voit. Elle est légèrement paranoïaque. “Venus #1” est une sorte de gros ver bleu et mou qui danse sensuellement sur la musique dans laquelle elle baigne. Comme la plupart de mes œuvres, celle-ci utilise des techniques issues des domaines scientifiques comme l’intelligence artificielle ou la vie artificielle. Mais ici, il s’agit davantage du questionnement du spectateur, dans sa nature ou dans sa réalité, que d’une quête de vérité ou de la ressemblance.
“Le pixel blanc” de 1996, où un pixel, seul, blanc, ère sans fin au sein de l’espace restreint d’un rectangle, est une de vos œuvres les plus radicales. Dans les travaux qui font suite, les formes se multiplient et s’enrichissent de sons, de dégradés et de couleurs. N’étiez-vous pas, en 1996, dans une posture proche de celle de Casimir Malevitch en 1913, lorsqu’il peignait un carré noir sur un fond blanc avant de redécouvrir les formes et les couleurs ?
Toutes proportions gardées, des démarches intellectuelles, comme celle de John Cage dans sa pièce “4’33”, sont assez similaires en effet, dans le sens où elles poussent une logique artistique jusqu’à son minimum vital. Elles permettent de placer un horizon et de s’assurer de sa solidité, pour ensuite construire à l’intérieur.
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Venus #1, installation (1998). |
On comprend aisément, en parcourant votre travail, l’intérêt que vous portez à des peintres tel Barnett Newman ou de compositeurs tel Steve Reich. En revanche, on est réellement surpris lorsque l’on découvre le titre de l’une de vos œuvres : “Le jardinier de Dali” !
Cette pièce m’a été inspirée par une histoire que m’a contée Philippe Ramette lorsque je lui parlais de mon intérêt pour la notion de “drôle de bruit”. C’est-à-dire de la qualité d’un bruit qui fait tendre l’oreille. Il m’a parlé du jardinier de Dali, qui était un grand fainéant et qui s’arrêtait souvent de travailler. Dali n’entendant plus de bruit dans le jardin, se mettait en colère contre ce jardinier fainéant. Alors, ce dernier a fabriqué, avec du bois et des poulies, une machine qui faisait “le bruit d’un jardinier qui travaille” pour leurrer Dali. Mais malgré les améliorations successives de la machine, Dali faisait toujours la différence à l’oreille entre la machine et le vrai jardinier. Pour cette pièce, “Le jardinier de Dali”, j’ai refabriqué la machine du jardinier, avec un programme à façon. Et l’oreille se tend pour chercher la subtile différence.
Est-ce pour privilégier l’expérimentation, la contemplation, sollicitant ainsi l’imaginaire du spectateur, que vous refusez d’utiliser « toutes formes pouvant être qualifiées de signifiantes en elles-mêmes par rapport à l’ensemble » ?
En effet, faire passer un message dans mon travail ne m’intéresse pas. Sauf peut-être celui-ci : « Méfiez-vous des messages qu’on veut vous faire passer », c’est-à-dire : « Exercez votre libre-arbitre ». Ce qui m’intéresse, c’est de mettre le spectateur face à lui-même, en tant qu’être humain ancré dans sa réalité. C’est-à-dire : questionner le spectateur, l’humain, l’être et la réalité.
Les notions d’action ou de réaction ne sont-elles pas au centre de vos problématiques lorsque vous concevez les pièces de la série des “Nanos” ?
Dans la série, dite des “Nanos”, qui commence avec “22 cubes ensemble” et regroupe la “Nanomachine”, les “Nanoensembles” et le “Worldensemble”, on est confronté à des mécaniques visuelles et sonores complexes, saturantes et au bout du compte légèrement déréglées. Je conçois ces mécanismes comme des systèmes de réalité, comme des univers dans lesquels tout est cause et effet. En les déréglant, je questionne la nature de notre réalité.
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Nanomachine, performance audiovisuelle (2002-2004). |
Il y a-t-il une place pour le hasard dans les mécanismes que vous concevez ?
Le hasard a une place centrale dans mon travail. Je considère que c’est l’énergie centrale à tout ce que je questionne. En quelque sorte, toutes mes pièces donnent une forme particulière au hasard qui les meut (un peu comme dans la réalité).
Vous semblez préférer le terme “semi autonome” à celui d’“autonome” pour définir les systèmes que vous programmez, qui, dès lors qu’ils sont lancés, s’inscrivent pourtant dans une durée pouvant s’étendre à l’infini, avec ou sans spectateur !
Plutôt que la question de l’infini, c’est la question de l’instantané qui se pose avec cette notion d’autonomie, c’est-à-dire la question du libre-arbitre autonome à l’instant du choix. En parlant de semi autonomie, il s’agit pour moi de placer d’emblée le débat sur la possibilité d’une quelconque autonomie dans l’absolu. Ces notions d’action autonome, de choix, de contrôle sont cruciales pour moi et l’art programmé est un medium idéal pour les interroger. Car dans son champ ce sont les actions elles-mêmes qu’on fabrique, avec tout le détail et la subtilité nécessaires.
Vous avez co-signé bon nombre de pièces avec le plasticien sonore Vincent Epplay. Quelles sont vos modes de collaboration ?
Avec Vincent, nous avons une excellente connivence d’esprit, à un niveau conceptuel, et des centres d’intérêt proches (l’indéfini, l’aléatoire, le flou…). Ainsi, nous nous retrouvons assez vite sur des pistes de travail. Ensuite, chacun sa pratique : à lui les sons et la musique, à moi les mécanismes programmés et les visuels. La performance “Display Pixel” constitue notre travail le plus abouti. Dans ce spectacle, nous formons un trio avec un système que j’ai programmé. Ce système s’incarne dans des tableaux visuels et actifs qui s’activent sur les sons de Vincent, les intègrent et les régurgitent de différentes manières. Je module les actions de ces tableaux. Aucun de nous ne contrôle vraiment tout et nous explorons le vaste champ des rapports entre images et sons.
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Nanoensembles, systèmes autonomes en ligne (2002). |
Durant la performance “Gameplay”, votre dernière création en 2005, un danseur inter agit avec des objets graphiques projetés sur le sol. Comment est née cette collaboration avec les chorégraphes Jean-Marc Matos et Anne Holst ?
Dans mon désir de confronter encore davantage mes objets programmés semi autonomes à des performers professionnels, j’ai lancé des pistes dans le champ chorégraphique, pistes qui ont trouvé écho avec les aspirations de Jean-Marc Matos et Anne Holst. Nous sommes partis sur l’idée de confronter ontologiquement un danseur à un environnement visuel et sonore sensible à sa présence. Nous avons découvert la notion commune et centrale d’épreuve physique qui nous a permis de structurer le spectacle comme un rituel de passage. L’énergie du danseur prend forme entre la chorégraphie et la semi autonomie des tableaux. Au bout du compte, le spectacle est un solo d’une grande force, dans lequel le danseur, tout comme la danse, trouve sa raison d’être.
Vous proposez, dans une autre performance nommée “Celui qui garde le ver” à une chanteuse de “dialoguer” avec une entité évoquant un ver par sa forme comme par ses mouvements. Est-ce la volonté d’expérimenter l’interaction entre la voix et l’image ou plus simplement le désir de rendre visible ce qui ne l’est pas, qui est à l’origine de cette création ?
Il s’agissait de rebondir sur l’idée de partition vivante de John Cage, pour créer une entité artificielle qui serait une partition pour une chanteuse. Avec la chanteuse Joana Preiss, nous avons travaillé la forme de l’improvisation, pour la placer à mi-chemin entre murmures de mère et incantations de prêtresse, deux situations de communication avec un Autre. Ici un autre artificiel qui, par ses actions et réactions, donne énergie et forme au chant.
Certains de vos travaux sont en ligne ou sur CD-Rom, d’autres prennent la forme d’installation ou de performance, et vous vous confrontez, au gré de vos collaborations, à de multiples champs d’expressions telle la danse ou le chant. Les technologies numériques ne sont-elles pas propices à la diversité des formes comme à la multiplication des collaborations ?
En effet, comme spécificité radicalement neuve, en tant que médium artistique, l’ordinateur apporte non seulement la programmation dont j’ai beaucoup parlé, mais aussi une matrice d’action et de représentation unique par laquelle tous les matériaux artistiques communiquent, se transforment et se synchronisent. Ceci favorise sans aucun doute les transversalités et donc les collaborations.
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Gameplay, spectacle chorégraphique réalisé en collaboration avec Jean-Marc Matos et Anne Holst de la compagnie K. Danse (2005). |
Vous bénéficiez, du simple fait de votre parcours, d’une réelle autonomie tant d’un point de vue conceptuel que du point de vue de la réalisation. Mais ne pensez-vous pas que la non maîtrise du code informatique permet aussi à des artistes de demander l’“impossible” aux développeurs avec qui ils collaborent ? Et par conséquent de prendre le risque d’obtenir des réponses inattendues !
Oui, et c’est pour cette raison que j’aime alterner les projets en solo avec les projets en collaboration qui forcent tous les acteurs hors de leurs limites.
Permettez-moi, pour terminer, de vous poser une de ces questions fondamentales que l’on trouve sur votre sur votre site Web : Si vous rencontriez un extraterrestre, comment sauriez-vous que c’est un extraterrestre, et non un caillou, un nuage ou une poussière ?
Il m’aura sûrement désintégré avant que je puisse me poser la question…
Interview réalisée par Dominique Moulon pour Images Magazine, mars 2006
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