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 Ce site a été réalisé par Dominique Moulon avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Délégation au développement et aux affaires internationales).
 Les articles les plus récents de ce site sont aussi accessibles sur “ Art in the Digital Age”. |
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Thierry Raspail, le directeur artistique de la Biennale de Lyon, a confié cette dixième édition au commissaire Hou Hanru. L’événement regroupe quatre lieux : la Sucrière, le Mac, la Fondation Bullukian et l’Entrepôt Bichat où les œuvres sont organisées selon les chapitres “La Magie des choses”, L’“Éloge de la dérive”, “Vivons ensemble”, “Un autre monde est possible” ou “Veduta”. Thématique générale de l’année : “Le spectacle du quotidien”.
A Karachi
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Bani Abidi,
“Security Barriers”, 2008,
Source Blaise Adilon.
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Bani Abidi est née à Karachi et évoque la mégapole pakistanaise au travers de trois séries de travaux exposées à la Sucrière, dont les deux premières regroupent des dessins réalisés numériquement, alors que la troisième est constituée de photographies. La première symbolise le pouvoir de celles ou ceux qui acceptent ou non le dialogue, le pouvoir de celles ou ceux qui autorisent ou non l’accès par la représentation d’interphones en ce pays où, selon l’artiste : « les forces de classe, de caste et de féodalité définissent la plupart des relations sociales ». La deuxième représente des barrières de sécurité se situant à proximité des ambassades étrangères de sa ville natale. Elles symbolisent, quant à elles, les pouvoirs étatiques et leurs rayures colorées sont comparables à celles qui sont destinées à repousser l’adversaire chez certaines espèces animales. Enfin, quelques photographies mettent en scène des gens, toujours à Karachi qui, à la nuit tombante, se ressaisissent de l’espace public. En s’installant dans la rue pour réaliser une composition florale, se coiffer ou repasser, des femmes donnent ainsi les spectacles de leur quotidien décontextualisé.
Sur écoute
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Locus Sonus,
“Locustream
Microphones
Ouverts”, 2009,
Source Alain Renaud
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C'est la planète dans sa globalité que le laboratoire de recherches en art audio Locus Sonus se propose de mettre sur écoute. Les photographies du projet “Locustream”, installées au Musée d’Art Contemporain de Lyon, participent à documenter visuellement le dispositif de microphones ouverts localisés en de multiples endroits du monde. Ainsi, d’Amsterdam à Yokohama, en passant par Chicago ou Dakar, des “Streamers” participent à ce projet global en captant les paysages sonores d’ailleurs. La “SoundMap”, du serveur de Locus Sonus, permet de les écouter, en ligne, de chez soi. Et c’est alors, dans un appartement équipé de fenêtres à double vitrage, pour ne laisser pénétrer aucun son du dehors, que l’on se surprend à écouter les bruits de la rue d’un ailleurs. N’est-ce pas John Cage qui disait : « Si un bruit te dérange, écoute-le » ? Des casques, dans l‘exposition, permettent d’effectuer un voyage sonore imaginaire en passant d’un flux audio à un autre sans se soucier des distances ni des frontières.
Une carte verte européenne !
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Société Réaliste,
“EU Green Card Lottery”,
2006-2009.
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« Choisir de vivre où l’on veut est considéré comme un droit de base, mais pour les non occidentaux, ce droit n’existe pas », déclarent les membres du collectif parisien Société Réaliste. Ces derniers, sensibles à la question de l’immigration mondiale, ont mis en ligne un site proposant une carte verte européenne par système de loterie comme le fait le département d’Etat américain. Une telle carte, en Europe, n’existe pas, mais les artistes ont toutefois été en faire la promotion outre-Atlantique durant une performance à Chicago, en 2006, où ils ont installé un bureau d’immigration. Un retournement de situation qui ne manque pas d’évoquer le port d’Ellis Island. On imagine aisément les amateurs d’art contemporain de l’’Illinois se prêter au jeu en participant à augmenter la base de données du site internet intitulé “EU Green Card Lottery”. Quant aux parois intérieures de l’installation exposée au premier étage de la Sucrière, elle sont recouvertes de centaines de fausses cartes représentant autant de Nigerians désirant vivre mieux ailleurs, tout simplement. Tous ont reçu un mail leur indiquant l’aspect “artistique” de cette démarche qui met en lumière la cruauté d’un marché de l’immigration mondiale. Des sites comparables à celui de la Société Réaliste, il en existe beaucoup, mais ceux-ci sont payants.
Elle a tout d’une grande
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HeHe,
“Toy Emissions”,
2007.
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Il est, toujours au premier étage de la Sucrière, une étrange vidéo qui met en scène le modèle réduit d’une Porsche Cayenne quelque peu en danger parmi les véhicules de taille réelle d’une avenue newyorkaise. Celle-ci est téléguidée par les membres du collectif HeHe durant une performance urbaine réalisée lors d’une résidence à l’Eyebeam. « Notre première impression de New York a été le grondement incessant de la circulation et le spectacle quotidien des énormes véhicules 4x4, dont le spécimen le plus proéminent et le plus emblématique est la Porsche Cayenne », nous disent-ils. C’est avec un changement d’échelle qu’ils décident de mettre en lumière la proéminence de véhicules parmi les plus polluants dans cette ville où tout est possible. Le jouet d’artiste est équipé de fumigènes colorés jaune, rose, vert, bleu ou violet, ce qui ne manque pas de surprendre les passants que l’on entend rire. « Oh my God ! », s’écrit l’un d’entre eux. Ainsi modifiée par les artistes, cette Porsche Cayenne a tout d’une grande, même les émissions de gaz magnifiées par la couleur.
Le second sceau
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Kin-Wah Tsang,
“The Second Seal”,
2009, Source Blaise.
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Rien ne se passe dans la pièce réservée à l’installation “The Second Seal” de Kin-Wah Tsang. La pièce est vide, quand une lumière rouge attire mon regard, sur un mur, avant de disparaître, furtivement. Je comprends dès la seconde apparition, sur un autre mur, qu’il s’agit de caractères typographiques en mouvement. Il est écrit, en lettres rouges, “The Peace”, puis “The Sword”, puis “The Liberation”. Les mots descendent lentement du plafond en ondulant tels autant de lézards. Ils contournent la porte et rebondissent sur le sol. Ils épousent les formes de l’architecture intérieure de la Sucrière en se multipliant. Les mots, progressivement, se font phrases, “You want vengeance”, “They want vengeance”, “You need vengeance”, “They need vengeance”, durant qu’un son évoquant la pluie, ou la grêle, emplit l’espace en s’amplifiant. Jusqu’à ce que les murs, virtuellement, ne disparaissent au profit d’une « grêle de feu mêlée de sang » annoncée dans l'apocalypse. Et c’est bien de l’apocalypse dont il est question puisque cette installation participe d’une série dont le titre “Les sept sceaux” évoque le texte de Saint-Jean.
Au travers du miroir
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Adrian Paci,
“Per Speculum”, 2006,
Source Blaise Adilon.
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Le bruit incessant du projecteur 35 mm renforce la tension cinématographique qui s’installe dans l’image où l’on découvre progressivement des visages d’enfants. Leur calme devient insoutenable. L’un d’entre-eux les délivre en usant d’un lance-pierre en direction du spectateur. Ainsi, le miroir qui leur fait face, comme ancré dans le sol, se brise et l’étrange découpe de ce qu’il en reste délimite le champ du contre-champ. Libérés par le geste de l’un des leurs, ils partent en débandade. Mais on les retrouve peu de temps après, assagis, perchés sur les branches d’un sycomore, chacun équipé d’un fragment de miroir brisé, semble renvoyer la lumière du projecteur qui est pourtant dans la pièce de cette l’installation vidéo intitulée “Per Speculum”. Ou quand deux temporalités fusionnent par la lumière. Nombreux sont les artistes qui ont représenté ou utilisé des miroirs, de Diego Vélasquez à Dan Graham, sans pour autant que l’étrangeté inhérente à leur usage n’ait subi, dans le champ de l’art, quelque usure.
Entrer dans l’image
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Eulàlia Valldosera,
“The Kitchen”, 2009,
Source Blaise Adilon.
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Les installations “The Period” et “The Kitchen”, d’Eulàlia Valldosera, comptent parmi les rares œuvres participatives de cette dixième biennale. La première est constituée d’un alignement de verres diversement remplis d’un liquide rouge symbolisant le sang si l’on considère son titre. Les spectateurs sont invités à pousser un landau sur des rails. Se faisant, ils contrôlent le faisceau lumineux d’un projecteur embarqué qui se teinte alors de la couleur du liquide rouge qu’il traverse durant que les mouvements, dans l’image, sont semblables à ceux d’une caméra. L’usage de rails, dans l’industrie cinématographique, est essentiel pour la réalisation de Travellings alors que les jeux d’ombres et de lumières nous renvoient davantage aux origines théâtrales du cinéma. L’aspect cinématographique de la seconde installation de l’artiste espagnole est renforcé par le son du projecteur 16mm émettant la lumière. Et le public, ici encore, est invité à “entrer dans l’image” en repositionnant des linges suspendus à des fils, participant ainsi de l’histoire qui se raconte, par la lumière, à même le mur.
Plus de lumière !
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Mounir Fatmi,
“Ghosting”, 2009,
Source Blaise Adilon.
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Enfin, au troisième étage du Musée d’Art Contemporain de Lyon, il est une installation de Mounir Fatmi qui intrigue. Intitulée “Ghosting”, elle est tout simplement majestueuse. L’artiste a recouvert l’intégralité d’un mur avec des cassettes VHS qui littéralement vomissent les bandes magnétiques de leurs entrailles jusque sur le parquet, en direction de photocopieuses qu’elles finissent par atteindre. Le public pourrait même se servir des machines pour tenter désespérément d’extraire quelques images d’une mémoire devenue inaccessible. Si toutefois elles étaient en état de fonctionner, car il semble bien que les flux des bandes analogiques, telles des populations virales en migration, aient prit le dessus. Et sur le mur, quelle ironie, il est écrit “Mehr Licht !” signifiant, en français, plus de lumière. Les dernières paroles que Goethe aurait prononcé avant de s’éteindre.
Article rédigé par Dominique Moulon pour Images Magazine, janvier 2010.
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