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TRANSMEDIALE, BERLIN, 2011 Si le Festival Transmediale se focalise sur le rôle des technologies du numérique dans notre société, le Club Transmediale, lui, est dédié aux musiques "aventureuses" et aux arts visuels qui lui sont proches. Cette année, la fondation Schering et la galerie [DAM] se sont associées à ces deux événements berlinois. N'oublions pas la Hamburger Bahnhof qui n'est en rien liée à la Transmediale mais qui présentait un artiste résolument numérique. De l'empreinte
Il y a, dans la Maison des Cultures du Monde, une installation de Paul Vanouse qui se poursuit par l'image au sein de l'exposition "Fingerprints" organisée par Jens Hauser à la Fondation Ernst Schering. L'œuvre s'intitule "Latent Figure Protocol" et existe sous la forme de performances, d'installations et de photographies. L'artiste y utilise la technique de l'électrophorèse permettant notamment aux biologistes de séquencer l'ADN pour produire des signes visuels allant du copyright à celui représentant l'infini. Et c'est son ADN propre qu'il utilise dans l'installation performance "Suspect Inversion Center" qui le conduit à reproduire l'empreinte ADN d'OJ Simpson. Avec de tels actes, c'est la notion même d'empreinte génétique que Paul Vanouse critique plus qu'il ne remet en question sa relative fiabilité et son usage dans des contextes juridiques. Car la notion d'empreinte fait référence à la peau de nos doigts qui nous singularise et induit qu'il y ait contact. Alors que l'obtention de ce que l'on qualifie abusivement d'empreintes génétiques est consécutive à l'exécution de protocoles que l'artiste s'approprie à des fins représentationnels. Orchestre bactériologique
Tous les ans, le festival Transmediale attribue un prix comme il se doit. Cette année, les membres du jury ont nominé sept travaux sur plus de mille propositions et c'est le projet de recherche artistique "Intelligent Bacteria" initié par The House Of Natural Fiber à l'université de Gajah Mada qui l'a remporté. Les membres du collectif HONF ont été alertés par le nombre croissant de morts relatifs à l'absorption d'alcools frelatés en Indonésie suite à une récente envolée des prix liée à la mise en place de nouvelles réglementations. Ils se sont associés à des chercheurs pour produire de l'alcool en toute sécurité et selon des procédés open source. La fermentation qui résulte de leur installation, d'une relative efficacité d'un point de vue visuel, produit de l'oxyde de carbone que les artistes amplifient, traitent en temps réel, pour obtenir des sons qui participent d'une musique acoustique aléatoire aux allures électroniques. En performance, c'est habillé de lumière qu'ils font l'apologie de la culture DIY (Do It Yourself). Circuit fermé
En art vidéo, le circuit fermé est une tradition que les artistes Bram Snijders et Carolien Teunisse perpétuent à l'ère du numérique avec leur installation "RE :". Un projecteur vidéo presque ordinaire baigne dans la lumière, mais il s'agit de sa propre lumière. Car il émet autant qu'il reçoit les informations lumineuses qui transitent via ses composants électroniques depuis un ordinateur qui, lui, reste dans l'ombre. Les miroirs qui font partie intégrante de l'œuvre doivent être réglés avec une grande minutie pour que la grille virtuelle recouvre parfaitement le projecteur vidéo ainsi augmenté d'une couche d'informations. On pense alors aux installations vidéo des années 70, à celles de Peter Campus et plus précisément à "Kiva" qui met en scène une caméra vidéo se filmant elle-même. Il est des spectateurs avec "RE :", comme avec "Kiva", qui interagissent avec l'œuvre en s'interposant comme pour démêler le vrai du faux ou tout simplement pour mieux appréhender les enjeux du dispositif. Et quand la grille de lumière projetée à laquelle on s'est habitué disparaît, il semble manquer quelque chose à cet appareil soudainement mis à nu. Douces tortures
Transmediale est né d'un événement dédié à l'art vidéo initialement baptisé Videofest. Il est donc bien naturel, dans un tel contexte, que de jeunes artistes comme Ei Wada poursuivent les recherches de pionniers tel Nam June Paik. Car Ei Wada perturbe aussi les champs magnétiques de tubes cathodiques. Mais c'est avec les mains qu'il opère lorsqu'il joue de téléviseurs tel un percussionniste durant sa performance improvisée "Braun Tube Jazz Band". Et quand vient le soir, c'est Daito Manabe qu'il accompagne durant une autre performance intitulée "Face Visualizer". Les deux artistes japonais font face au public et leurs visages sont magnifiés par l'image vidéo projetée derrière eux. Ils sont équipés d'électrodes qui convertissent les sons d'une musique électronique minimale en décharges électriques. Ainsi stimulés, leurs muscles faciaux échappent à tout contrôle pour se synchroniser avec la musique. S'en suit une série de rictus qui ne manquent pas de faire réagir les spectateurs. Les petites souffrances qu'ils s'infligent déclenchent d'étranges grimaces qui, à leur tour, provoquent des rires dans la salle. Rencontre avec Facebook
Après avoir initié le rachat de Google via son propre dispositif publicitaire, en collaboration avec le collectif Ubermorgen, puis honnêtement subtilisé quelques livres à Amazon, toujours avec la complicité d'Hans Bernard et de Lizvxl, c'est à un autre géant américain de l'industrie Internet que le théoricien des médias Alessandro Ludovico et l'artiste Paolo Cirio se sont récemment confrontés. Les deux hacktivistes italiens ont commencé par télécharger près d'un de million de profils Facebook avant d'opérer une sélection à l'aide d'un logiciel de reconnaissance faciale pour n'en garder que 250 000 afin de les classifier au sein de la base de données en ligne "lovely-faces.com". Les juristes du réseau social n'ont pas tardé à se manifester et le prétendu site de rencontre est désormais fermé. Mais à qui appartiennent les données déposées par les 500 millions d'utilisateurs de Facebook, si ce n'est à eux mêmes ? L'entreprise peut-elle en revendiquer la procession ? Et selon quelle juridiction, si ce n'est celle de l'Etat de Californie, alors que la plateforme est d'un usage des plus mondialisé. Le projet "Face to Facebook" d'Alessandro Ludovico et Paolo Cirio a le mérite de poser des questions quant à la notion de vie privée à l'ère du social networking. Le retour de la peinture à l'huile
Qui ne se souvient pas de l'explosion, en avril 2010 de la plate-forme pétrolière exploitée par British Petroleum. Nous suivions alors, jour après jour, l'indécente extension de la nappe de pétrole brut flottant dans les eaux du golfe du Mexique grâce à des images aériennes semblables à celles que les membres du duo autrichien Ubermorgen se sont appropriés. Mais ils les ont traitées numériquement pour qu'elles évoquent la peinture à l'huile, la discipline reine parmi toutes disciplines artistiques, avant de les exposer à la galerie [DAM] de Berlin, partenaire de cette édition 2011 de la Transmediale. Le titre de cette série de "photographies numériques à l'huile" revendiquant le retour de la peinture tant par le sujet que par le style, "DeepHorizon", fait référence à la plateforme qui coula deux jours après son explosion en libérant le triste flux initiateur d'un nouveau type de "sujet pictural". Robert Smithon, en d'autres temps car c'était en 1969, avait fait déverser quelques tonnes de colle orange à Vancouver. C'était pour lui une façon d'évoquer ironiquement le colorfield painting des artistes qui l'avaient précédé. Au quartier des arts Bethanien
La principale exposition du Club Transmediale se tenait dans un ancien hôpital reconverti en centre d'art contemporain, le Kunstquartier Bethanien. Une quinzaine d'installations, intégrant "Spin" réalisée par Bram Vreven, y étaient regroupées. La particularité de "Spin" réside dans le fait qu'elle est présentée dans deux pièces distinctes car elle se compose de deux parties qui sont résolument indissociables. A l'entrée, il y a neuf sphères comparables à des balles de ping-pong qui tournent à grande vitesse, d'où le nom de l'installation qui signifie tourner en anglais. On devine que des points noirs y ont été dessinés alors que ce sont des cercles concentriques qui s'impriment sur nos rétines. Plus loin, dans l'exposition, un alignement de neuf écrans plats présente ce que l'on perçoit alors comme autant d'animations. Il y a quelque chose d'hypnotisant dans cette installation vidéo cinétique sans début ni fin qui ne représente rien d'autre qu'elle-même. Les regards sont alors contraints d'errer à la surface d'une image fragmentée, à la recherche d'un centre, alors que la beauté des mouvements circulaires estompe la mémoire que l'on a de leurs origines. A la Hamburger Bahnhof
L'ancienne gare, devenue elle aussi musée d'art contemporain, présentait une autre sculpture cinétique au sein de l'exposition dédiée à Cory Arcangel : "Untitled Kinetic Sculpture #2". Elle est majestueuse, presque aussi banale qu'intrigante. Banale parce que composée de deux colonnes d'étagères sur roulettes. Intrigante parce que celles-ci dansent littéralement, synchronisées dans leurs déformations. Il faut un peu de temps pour s'acclimater à l'œuvre. Le temps nécessaire pour se convaincre qu'il ne s'agit pas là d'une vision hallucinatoire, mais bien d'étagères semblables à celles de notre quotidien si ce n'est qu'elles ne sont pas inertes. Alimentées électriquement, elles s'animent de mouvements ondulatoires perpétuels qui les subliment en leur conférant leur statut d'œuvre d'art. Faites de métal, elles apparaissent alors aussi souples et gracieuses que des danseuses, presque fragiles, bien que d'une régularité totalement robotique. Article rédigé par Dominique Moulon pour Digitalarti, mars 2011.
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