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Ce site a été réalisé par Dominique Moulon avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Délégation au développement et aux affaires internationales).
Les articles les plus récents de ce site sont aussi accessibles sur “ Art in the Digital Age”. |
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NUMERISCAUSA, OU COMMENT PRODUIRE ET EXPOSER DES ŒUVRES NUMERIQUES
La production comme la monstration de pièces intégrant les technologies numériques, bien souvent, nécessitent des savoir-faire spécifiques. Rares sont les structures, à l’instar de Numeriscausa, qui proposent ces multiples compétences. Stéphane Maguet, directeur de cette toute récente société, nous fait part de son expérience. Son rôle consiste tant à répondre aux attentes technologiques des artistes, en leur permettant de collaborer avec des développeurs, qu’à les assister dans la monstration et dans la diffusion de leurs recherches.
Les approches collaboratives, inhérentes aux laboratoires de recherche comme aux collectifs, ne représentent-elles pas les modèles opératoires les plus adaptés à la création numérique ?
De la même manière qu’il est plus difficile d’exposer une installation musicale interactive qu’un tableau, ce type d’installation réclame, pour sa conception comme pour sa réalisation, un éventail de compétences rarement réunies par une seule personne. Comme le statut de l’œuvre, la posture de l’artiste a quelque peu changé : il n’est plus seul, spécialement lorsqu’il pratique la création numérique. Les modèles opératoires les plus efficaces induisent généralement le montage d’équipes constituées d’un musicien, d’un programmeur, d’un électronicien… Une équipe de cinq personnes parvient, en seulement quelques mois, à finaliser des projets qu’une structure plus importante serait incapable de réaliser en deux ans, et ce, uniquement pour des questions de cohésion, de réactivité, d’adaptation ou de complémentarité. C’est donc tant l’équipe que la méthode qui permet à certains collectifs d’être autonomes.
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“Viral Counter Attack”, de Joseph Nechvatal, est une installation interactive où le public a la possibilité de contrôler des populations de virus développés par Stéphane Sikora. Ceux-ci dévorent, pixel par pixel, les images numériques composées par Joseph Nechvatal. Lorsqu’il décide d’arrêter le processus, l’artiste obtient alors de nouvelles images générées collectivement. |
Peut-on dresser une typologie des multiples rapports qu’entretiennent artistes et ingénieurs ou développeurs, lorsqu’ils participent à la réalisation de projets artistiques ?
Je ne sais pas si l’on peut parler de typologie, mais on peut toutefois remarquer deux grandes figures avec, bien entendu, toutes les nuances intermédiaires. Dans l’une, l’artiste conçoit un projet dont la réalisation est confiée à une équipe. C’est la métaphore du réalisateur, historiquement plus ancienne, où l’artiste signe l’œuvre a l’instar du réalisateur. D’un autre côté, nous observons une hybridation, lorsqu’un artiste programmeur s’associe à d’autres artistes autour d’un projet commun, de la conception jusqu’à la réalisation. Dans le premier cas, on a un modèle vertical et instrumental, dans l’autre un modèle horizontal et collaboratif. A ces deux figures, correspondent deux manières de concevoir les œuvres.
Quelles sont les étapes incontournables qui se succèdent lorsque l’on produit des œuvres numériques ?
Cela dépend évidemment de la méthode de production. Mais certaines étapes, bien souvent, sont incontournables : le choix de l’œuvre, la rédaction du cahier des charges, la constitution d’une équipe, le développement informatique et/ou technique, et enfin les derniers réglages.
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Les Sur-natures, de Miguel Chevalier, sont des plantes en 3D qui évoluent en temps réel. Deux développeurs de Numeriscausa ont collaboré à ce projet : Didier Bouchon et Stéphane Sikora. Ce dernier a développé, en C++, des graines que Miguel Chevalier a ensuite “plantées”. Les plantes virtuelles s’adaptent alors à des conditions climatiques tout aussi virtuelles tel l’ensoleillement ou le vent. |
La conservation de pièces dépendant de technologies contemporaines fait souvent débat.
Effectivement, et à raison. Des institutions comme la fondation Langlois ou la fondation Guggenheim ont entamé, depuis peu, une réflexion sur la variabilité des médias. Une sorte de description du modèle. La reproduction d’un modèle dans son esprit est à double tranchant. Elle n’est, comme une restauration, jamais à l’identique. En admettant qu’il y ait une manière poétique de coder, on imagine qu’une interprétation du modèle peut être minable comme géniale. Actuellement, il y a une véritable réflexion et des actions à mener, tant du point de vue des artistes qui doivent documenter les œuvres indépendamment du support, que du point de vue des supports eux-mêmes qui doivent être conçus et assemblés dans un souci de pérennité.
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Le chorégraphe David Bombana a récemment confié la scénographie du spectacle vivant “Lolita” à l’artiste Bernard Michel. Ce dernier a alors sollicité les compétences du développeur Didier Bouchon de la société Numériscausa. Ensemble, ils ont généré une sorte de “tableau vivant” d’une soixantaine de minutes. |
Quel est, ou devrait être, le rôle de l’Etat dans la production comme dans la monstration d’œuvres numériques ?
Ce n’est pas vraiment à moi de dire quel devrait être le rôle de l’Etat. Chacun son métier. Cependant Il semblerait souhaitable de regrouper les missions de médiation, de subvention et de diffusion. Ce serait plus cohérent et beaucoup plus efficace. Pour l’instant nous ne connaissons que l’aspect subvention assumé par le Dicream, dont le rôle est important, mais qui devient l’entonnoir de la création numérique en France. La situation n’est donc pas optimale dans l’avant comme dans l’après. Ces étapes sont pourtant nécessairement liées si l’on veut promouvoir la création numérique. De plus, peut-être que la composition de commissions regroupant critiques et artistes constituerait une réelle avancée. Enfin, avant le public lui-même, sensibiliser le tissu muséal français (musée, centre d’art, FRAC…) pour qui les expositions d’art numérique ne sont pas encore à l’ordre du jour.
Les festivals, depuis une quinzaine années, ne sont-ils pas les rares événements à avoir contribué à l’émergence, puis au développement, de ces nouvelles pratiques ?
Oui, des événements français tels Artifices, Interférences, Exit, Art Outsiders, Arborescence ou Villette Numérique, sans oublier le festival Ars Electronica en Autriche ont été et sont encore les inventeurs de la création numérique.
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L’installation interactive “Dirigeable”, d'Etienne Rey, a notamment été exposée par Numeriscausa durant la seconde édition du festival Villette Emergences. Le public pouvait naviguer, à l’aide d’un dispositif évoquant une planche de surf, au sein d’un univers virtuel peuplé de centaines de créatures artificielles. |
La “reconnaissance” de telles pratiques, aujourd’hui, passe-t-elle nécessairement par les galeries et autres collectionneurs privés ?
Les achats des galeristes et des collectionneurs privés constituent de réels signes d’intégration. Il ne s’agit pas là d’une dilution, mais plutôt d’une hybridation, ou d’une remise en question des pratiques traditionnelles. Cette reconnaissance du marché, si elle n’est pas obligatoire, participe cependant de la volonté qu’ont certains artistes de rester indépendants. La réussite d’un projet pourrait ainsi ne pas dépendre uniquement de subventions.
Le fait que les artistes contemporains intègrent de plus en plus fréquemment les nouvelles technologies dans leur travail signifie-t-il que la “spécificité” des créations numériques est vouée à disparaître ?
En termes d’art contemporain, il faut s’entendre sur ce que l’on appelle “nouvelles technologies”. Certains artistes placent un écran plasma dans une exposition pour montrer un film. D’autres, en revanche, intègrent les réelles potentialités de la machine dans les processus créatifs. Dans ce cas, celle-ci participe à la “spécificité” de l’œuvre. Or, actuellement le numérique n’est pas véritablement intégré par l’art contemporain, que ce soit au niveau des institutions des collections publiques, de la critique et plus généralement du marché de l’art. Et même si l’intégration par l’art contemporain de cette spécificité numérique est souhaitable, ce n’est sans doute pas pour demain.
Interview réalisée par Dominique Moulon pour Images Magazine, mars 2005
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