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 Ce site a été réalisé par Dominique Moulon avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Délégation au développement et aux affaires internationales).
 Les articles les plus récents de ce site sont aussi accessibles sur “ Art in the Digital Age”. |
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Début juin dernier, la 53e Biennale de Venise a réuni artistes, commissaires et critiques du monde entier avant de s’ouvrir au grand public jusqu’au 22 novembre. Au programme : pavillons “historiques” dans les Giardini, événements collatéraux dans divers lieux de la ville et l’exposition “Making Worlds” confiée à Daniel Birnbaum à l’Arsenal.
Les jardins municipaux
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Steve McQueen, “Giardini”, 2009.
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Mieux vaut se présenter de bonne heure au Pavillon britannique afin de réserver sa place pour la projection du dernier moyen métrage de Steve McQueen intitulé “Giardini”. Le film est projeté en Split Screen juxtaposant deux zones au format cinémascope, aussi l’image tout particulièrement allongée évoque les dispositifs vidéo que l’on visualise davantage en environnement ou en performance. Mais l’œuvre de l’artiste anglais possède un début et une fin. Quant au décor de cette narration, il est tout à fait en cohérence avec ce qui se passe au dehors puisque ce sont bien les jardins municipaux de Venise, ceux-là même où se situent les pavillons internationaux “historiques”, dont il est question. Mais l’action se déroule au creux de l’hiver, quand les jardins sont fermés au public, quand il n’est question ni d’art ni d’architecture, à cette saison sans bousculade, où le temps même semble affecté, comme étiré. Les principaux acteurs sont des chiens errant dans les allées, avec en fond les clameurs du stade. La vie est alors ailleurs en cette ville où le moindre mètre carré est si précieux.
Le pavillon australien
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Shaun Gladwell,
“Interceptor Surf:
Daydream Mine Road”,
2009.
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Il y a, devant le Pavillon australien, l’exacte réplique de la Ford Falcon que conduit le policier Rockatansky dans le film Mad Max de George Miller (1979). Quelle drôle d’idée que de garer une voiture dans une ville sans rue ? On comprend, à l’intérieur de l’exposition, la raison de cette étrange présence en visualisant la séquence vidéo intitulée “Interceptor Surf: Daydream Mine Road” de Shaun Gladwell. On y retrouve le puissant V8 qui avance sur l’une de ces routes emblématiques du paysage australien désertique, où la couleur du sable orangé s’harmonise à merveille avec le bleu d’un ciel d’été. Un homme, vêtu de noir des bottes jusqu’au casque, en sort par la vitre ouverte pour se mettre doucement à surfer sur le bolide qui, bien que lancé à pleine vitesse, évolue dans la lenteur d’un Slow Motion. Quant aux légères hésitations des gestes que le ralenti rend perceptible, elles participent d’une relative grâce.
Mark Lewis
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Mark Lewis,
“The Fight”,
2008.
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Quelques films récents de Mark Lewis sont projetés en boucle et en silence au sein du pavillon canadien. L’artiste, vivant et travaillant à Londres, est connu pour l’intérêt qu’il porte aux codes visuels inhérents aux diverses pratiques cinématographiques. Il explore, dans cette exposition portant le nom de l‘un de ses films, “Cold Morning”, l’étrangeté du rapport entre premiers et arrières-plans que l’usage de la technique nommée Back Projection, chère à Alfred Hitchcock, induit. Ce trucage, consistant à projeter des séquences préalablement acquises à l’arrière-plan d’une scène a été exploité par Mark Lewis pendant la réalisation de “The Fight”. Deux temporalités s’imbriquent donc : au premier plan, deux groupes d’hommes et de femmes se provoquent énergiquement, alors qu’à l’arrière-plan, des passants ne prêtent évidemment aucune attention à cette rixe en devenir. Aucun coup ne partira puisque l’action consiste à prolonger la tension où les gestes sont sous contrôle des acteurs jouant dans la retenue. Où les provocations verbales sont, elles aussi, contenues par le silence…
Col Tempo
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Péter Forgács,
“Col Tempo - The W. Project”,
2009.
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« Aussi surprenant que cela paraisse, la civilisation occidentale du 21e siècle montre les signes grandissants d’une suspicion ethnique et d’une xénophobie paranoïaque », souligne le commissaire de l’exposition “Col Tempo”, au pavillon hongrois, de l’artiste Péter Forgács. Ce dernier, un habitué du Found Footage, a exploité les images fixes et animées d’archives anthropométriques réalisées par un Nazi autrichien en 1939. Les portraits de prisonniers de guerre y côtoient ceux de gardes de la Wermarth et de villageois locaux. Où la nudité s’oppose à l’uniforme, l’humilité à l’arrogance, quand les regards, le plus souvent, sont hagards. Et puis, non loin du mur vidéo qui regroupe 96 de ces prétendues études scientifiques, il y a quelques portraits encadrés offrant une relation plus “intime” aux spectateurs. Et le statut de ces mêmes images oscille entre peinture et photographie, entre photographie et vidéo. Les sujets, tout comme les cadres, leur confèrent des allures de peintures. Quant aux imperceptibles mouvements des visages en rotation, dans leur extrême lenteur, ils situent ces portraits dans le fragile interstice qui sépare le photographique du filmique.
Le pavillon polonais
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Krzysztof Wodiczko,
“Guests”, 2009.
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L’installation vidéo “Guests” a été spécialement conçue pour le pavillon polonais par l’artiste Krzysztof Wodiczko né à Varsovie en 1943 et qui est aujourd’hui professeur au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge. Ce dernier a littéralement “ouvert” l’espace intérieur de l’exposition à l’aide de “fenêtres” vidéo où se jouent de petites scènes. L’aspect quelque peu laiteux des vitres virtuelles ne nous laisse percevoir que les silhouettes floues de ceux qui restent au dehors. Et les acteurs du dehors, préalablement filmés, ne sont autres que des immigrants vivant en Pologne ou en Italie et provenant de diverses régions du monde. « Des gens qui, selon Bozena Czubak, n’étant pas chez eux, restent “d’éternels invités” ». Ainsi, le titre même de l’exposition donne un caractère social à cette installation vidéo qui est aussi d’une rare efficacité, d’une réelle beauté. C’est du reste l’une des œuvres qui continuait à m’habiter durant mon retour de Venise lorsque je contemplais, du hublot de l’avion, le parfait dégradé allant de l’orangé d’un soleil couchant au bleu d’un ciel sans nuages. Car c’est en effet dans une lumière similaire que baignent les “éternels invités” de l’installation “Guest”, derrière des fenêtres virtuelles évoquant les parois de nos peurs de l’étranger, de nos peurs de l’autre.
Le Palazzo Michiel dal Brusà
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Ragnar Kjartansson, “The End - Rocky Mountains”, 2009.
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Bon nombre de pavillons internationaux, à l’instar de celui dédié à l’Island, se situent en dehors des Giardini, dans Venise. C’est ainsi que l’Islandais Ragnar Kjartansson a investi le rez-de-chaussée du Palazzo Michiel dal Brusà, donnant sur le Grand Canal, avec une installation vidéo intitulée “The End”. On y découvre l’artiste accompagné du musicien David Thor Jonsson dans les montagnes rocheuses canadiennes. Les cinq projections vidéo du dispositif correspondent à cinq prises où les deux musiciens interprètent, avec différents instruments, un même morceau de Country. Aussi, la neige et la musique participent à unifier cinq temporalités distinctes. On pense inévitablement aux musiciens qui, par la magie des studios d’enregistrement, se retrouvent sur un même album sans pour autant qu’ils ne se soient rencontrés un jour. Mais cette réunification de multiples temporalités, par l’image comme par le son, évoque aussi les réseaux de communication qui autorisent des individus, pourtant localisés en différents endroit du monde, à partager un même moment.
L’Arsenal
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Paul Chan,
“Sade for Sade's Sake”,
2008-2009,
© Giorgio Zucchiatti.
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A l’Arsenal, c’est une véritable carte blanche qui est offerte au commissaire Daniel Birnbaum qui relève le défi avec l’exposition “Making Worlds” rassemblant des œuvres d’une relative diversité. Parmi elles, on remarque l’animation de Paul Chan “Sade for Sade's Sake” qui est projetée à même le mur intérieur de l’Arsenal. Le titre est inspiré de la célèbre phrase “Art for art’s sake”, l'art pour l'art. Quant au remplacement du mot art par le nom du non moins célèbre marquis, il prend sens dès lors que l’on saisit l’activité des silhouettes qui peuplent l’image où se mêlent pratiques sexuelles et rituels religieux. Et puis, il y a ces rectangles qui apparaissent, avant de disparaître, à la hauteur où sont ordinairement accrochées les œuvres d’art. Or l’art, en effet, comme le sexe et la religion, est une pratique commune à tous les mondes dont Daniel Birnbaum souligne la pluralité avec le titre de son exposition.
L’île de la Certosa
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John Gerrard,
"Grow Finish Unit",
2008.
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Enfin, Il est quelques rares événements collatéraux qui, à l’instar de l’exposition “Animated Scene” de John Gerrard localisée sur l’île de la Certosa, nécessitent d’emprunter un vaporetto. L’artiste irlandais y présente les trois scènes, en temps réel, qu’il a “lancé” au début de l’exposition et qui évoluent lentement depuis. Les visiteurs de l’exposition peuvent repasser autant de fois qu’ils le souhaitent, mais jamais ils ne reverront exactement les mêmes spectacles. Dans les images, d’une véritable picturalité, le temps nous apparaît dans une dimension qui doit être celle qui précède sa suspension. Les décors sont empruntés aux vastes paysages des grandes plaines américaines : une tempête de poussière, un silo à grain et une ferme d’élevage industrielle. Ces représentations s’inscrivent dans la tradition des peintures et photographies de paysage naturels ou industriels, mais les outils exploités par l’artiste sont similaires à ceux du monde des jeux vidéo. Or les scènes “calculées” par John Gerrard comptent parmi les rares œuvres, de cette 53e Biennale, à évoquer l’évolution des pratiques artistiques à l’ère du numérique et des réseaux. Quoi qu’il y a encore le pavillon Internet, initié par les artistes Miltos Manetas et Rafael Rozendaal, que l’on visite à l’adresse “padiglioneinternet.com”.
Article rédigé par Dominique Moulon pour Images Magazine, septembre 2009.
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