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DE KARLSRUHE A BERLIN Le ZKM [ Zentrum für Kunst und Medientechnologie ] de Karlsruhe est sans conteste le plus important des Centres d’Art et Médias internationaux alors que le festival d’art et culture numérique berlinois Transmediale attire chaque année artistes, performers, commissaires d’exposition et autres critiques du monde entier. Entre surveillance et célébrité
Ombres et lumière
Peter Weibel, le directeur du ZKM, s’est associé à Boris Groys pour concevoir l’exposition “Medium Religion” en nous indiquant que « les religions sont passées de la sphère privée des croyances personnelles à la sphère publique de la communication visuelle ». L’artiste new-yorkais Paul Chan y expose “
Ce sont les commissaires Claudia Giannetti et Antonio Franco qui, avec Peter Weibel, ont conçu l’exposition “Arts in Spain, The Discreet Charm of Technology” qui s’articule en cinq thématiques. La première, intitulée "Acting on the Formal Code”, est dédiée aux recherches, datant de la fin du moyen-âge, du Catalan Ramon Llull que l’on considère aujourd’hui comme le précurseur de la logique combinatoire. La seconde partie commence avec les travaux scientifiques de Ramon y Cajal qui, grâce à l’apport de la microphotographie, élabora une théorie sur les neurones qui allait révolutionner les neurosciences. Et c’est naturellement dans cette zone de l’exposition que l’on découvre l’installation “Teratologías” de Daniel Canogar qui, lui aussi, révèle l’invisible en projetant sur les murs des microorganismes provenant du corps humain. Les spectateurs sont alors immergés dans un environnement de virus, bactéries et autres parasites dont les lumières colorées n’en sont pas moins séduisantes. Où l’on intègre l’équipage du Proteus, ce sous-marin qui, dans le film “Fantastic Voyage” de Richard Fleisher, aurait été miniaturisé avant d’être injecté dans un corps humain pour y devenir un corps étranger.
Il y a, non loin de l’installation de Daniel Canogar, une “sculpture interactive” que l’on pourrait presque qualifier de “Low Tech” et qui se déclenche avec le pied comme bien des pièces de Jean Tinguély. Une longue corde se met alors à tourner et la persistance rétinienne aidant, bien des images nous viennent à l’esprit. Ce qui ressemble au début à une corde à sauter se transforme en une vague qui se multiplie en diminuant. Le voile tridimensionnel immatériel qui évolue sous nos yeux n’est pas sans évoquer la perfection inhérente aux images de synthèse durant que les entrelacs des courbes photographiées par l’artiste lui-même nous rappellent les tirages des années 50, analogiques eux aussi, de Ben Laposky. La corde du dispositif “Waves”, de Daniel Palacios Jiménez, génère aussi des sons en fouettant l’air où l’on perçoit ainsi le bruit du vent. Enfin, la pièce réagit à son environnement proche en s’agitant de manière chaotique lorsque elle décèle l’agitation de spectateurs, comme pour se défendre de la possible menace d’éléments extérieurs.
Le point de vue n’est pas une problématique exclusivement espagnole bien que Diego Velasquez, le peintre des “Ménines” de 1657, l’ait tout particulièrement exploré. L’installation “Anar-hi anant”, d’Eugènia Balcells, s’appréhende différemment selon notre position dans l’espace. On y découvre, dès l’entrée, la projection d’une séquence vidéo abstraite toute de réflexions et autres scintillements. Elle semble se répéter selon des boucles qui sont pourtant quelque peu différentes. Et puis, il y a le son dont la granulosité comme la répétition nous évoque le mouvement incessant des vagues sur un rivage. Pénétrer cette installation c’est entrer dans l’image via nos ombres projetées. Aller au fond du dispositif c’est trouver des réponses à nos questions. Où l’on découvre que l’image n’est autre que celle de la rotation d’une fontaine à eau traversée par la lumière d’un projecteur. Quant au bruit de la mer, il est émis par le mouvement des billes de cristal que contiennent d’autres bouteilles, en plastique et en rotation elles aussi. L’imaginaire, parfois, se heurte à la connaissance.
En intitulant “Deep North” cette édition 2009 du festival Transmediale, Stephen Kovats fait allusion à « la fragilité intense et à l’instabilité de l’interaction humaine avec les systèmes globaux ». L’art en milieu extrême et le réchauffement climatique comptent toutefois parmi les principales thématiques abordées à la Maison des Cultures du Monde de Berlin. Aussi l’on n’est guère surpris d’y découvrir les photographies de la série “The Ice Cube Project”, de Marco Evaristti. En 2004 l’artiste danois a réuni une équipe de quinze personnes pour peindre la surface visible d’un iceberg du Groenland en rouge à l’aide de lances à incendie avec un colorant semblable à ceux utilisés dans l’industrie alimentaire. En 1969, la viscosité de la colle orange déversée par le Land artiste Robert Smithson sur le sol de Vancouver n’était qu‘une référence aux coulures inhérentes à la Colorfield Painting américaine. Aujourd’hui, le rouge utilisé par Marco Evaristti opère davantage telle une mise en garde. Les pratiques sont semblables mais les temps ont changé, et le climat aussi.
La baisse générale des températures d’un hiver nucléaire mis en scène par Petko Dourmana constituerait une alternative, pour le moins effroyable, au réchauffement climatique. L’installation “Post Global Warming Survival Kit” de l’artiste Bulgare s’explore dans une obscurité totale induisant l’usage de jumelles de vision nocturne. Les yeux sont alors assujettis au bras porteur de l’appareil infrarouge dont seule la technologie autorise la vue d’un rivage vidéo projeté à même le mur. Au centre de la pièce, il y a une sorte de caravane à l’intérieur de laquelle on découvre un arsenal d’objets dédiés à la survie comme à la communication lors d’un après cataclysme. Le bras, rapidement, fatigue aussi l’on tente de se passer des jumelles. Mais le noir absolu devient vite insupportable. Notre champ de vision rétréci par son appareillage nous handicape dans nos mouvements au sein de cet étroit véhicule aménagé. Les êtres humains, depuis toujours, s’adaptent aux environnements les plus extrêmes même s’ils ne les ont ni choisis ni générés.
Enfin, il y ce film intitulé “Man With A Movie Camera: The Global Remake” qui, par le procédé résolument participatif dont il est issu, nous apporte une note d’espoir relative à notre capacité à collaborer entre citoyens du monde. Un film dont le montage évolue jour après jour selon les séquences que les internautes postent sur le serveur. Le documentaire “L’homme à la caméra”, de Dziga Vertov, occupe la partie gauche, durant que la partie droite est dédiée à l’interprétation de l’œuvre du cinéaste russe par les participants de ce “Global Remake”. C’est à Perry Bard que l’on doit cette proposition qui fait cohabiter des images que quatre-vingt années séparent au sein de la base de données qui approvisionne l’application de montage automatique spécifiquement développée. L’artiste américaine, sur le site du projet s’interroge : « Quelles sont les images qui traduisent l’expérience contemporaine ? avant de poursuivre : Par exemple, au lieu de filmer des ouvriers dans une mine, vous pourriez peut-être visiter les bureaux d’Apple » ! Article rédigé par Dominique Moulon pour Images Magazine, mai 2009.
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