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Ce site a été réalisé par Dominique Moulon avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Délégation au développement et aux affaires internationales).
Les articles les plus récents de ce site sont aussi accessibles sur “ Art in the Digital Age”. |
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RESEAUX SOCIAUX ET PRATIQUES SONIQUES
Il est, en art, des “tendances” qui sont contextuelles, durant que d’autres s’installent plus durablement avant de s’élever au rang de “pratiques”. Ainsi, on observe un nombre grandissant d’artistes, depuis peu, qui questionnent les réseaux sociaux, alors que dans le même temps les festivals, et autres événements d’art numérique, accordent une place de plus en plus importante aux pratiques induisant l’usage du son.
Futuresonic, à Manchester, tout comme City Sonics, à Mons, compte parmi les festivals dont les noms nous indiquent qu’ils s’articulent autour de créations sonores. Drew Hemment, le fondateur et directeur artistique du festival Futuresonic a donc, cette année encore, réuni un nombre considérable de performances audiovisuelles et autres concerts. Mais ce dernier n’a pu résister à la déferlante qui pousse les organisateurs de tels événements à questionner les réseaux sociaux à travers installations et workshops.
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Aram Barthol, “Friends”, 2008 (Workshop). |
Réseaux sociaux
C'est donc au Cube de Manchester que l’artiste allemand Aram Barthol s’est installé pour animer son Workshop intitulé “Friends”. Ce dernier propose au public de réaliser un livre collectif et des carnets personnels directement inspirés des services en ligne de Facebook. Mais celui-ci prévient les festivaliers désirant s’inscrire que l’opération prend un peu plus de temps qu’un simple enregistrement sur le serveur d’un réseau social et n’autorise que l’usage d’outils “Low Tech” du type : papier, ciseaux, tampons, encre… Les participants, au terme de leurs réalisations et après quelques coups de tampons, peuvent alors devenir des “amis”. Cet atelier nous incite à reconsidérer la notion d’amitié à l’ère du Web 2.0. Qui, en effet, n’a jamais entendu quelqu’un se vanter d’avoir des milliers d’amis en ligne. Un collègue me confiait récemment sa réticence à devenir l’ami de son fils qui le sollicitait via Facebook ! Et pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur le dernier workshop d’Aram Barthol, les photographies sont évidemment accessibles sur Flickr.
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plan b, “myspace - ourspace - yourspace”, 2008 (Workshop). |
Traversons maintenant Piccadilly Gardens pour nous rendre au Cafe Pop que les artistes allemands du collectif plan b ont investi le temps d’un autre workshop auquel je me suis agréablement fait piéger. Cet atelier intitulé “myspace - ourspace - yourspace” fait une fois encore référence à un service en ligne, celui de Myspace. Ce n’est qu’après avoir rempli un formulaire me concernant, que j’ai enfin pu réaliser l’espace me convenant en assemblant quelques objets et images à l’intérieur de la boîte format A5 qui m’était proposé. Quant à savoir ce qui me passait par la tête lorsque je décidais de déposer un tigre sur le gazon artificiel que j’avais collé au préalable, avec de la vraie colle… et de là à redéfinir la notion même d’espace à l’ère du Web 2.0… Et mon voisin de table de me confier, durant qu’il confectionnait lui aussi son espace personnel : “N’est-ce pas là la fin des arts numériques ?”.
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Scenocosme, “Akousmaflore”, 2007 (Installation sonore interactive). |
Le son du vivant
Quittons Manchester pour aller aux portes de Paris, à Saint Ouen, où se tient la principale exposition de Mal au Pixel, la version française du festival finlandais Pixelache. Mathieu Marguerin, le directeur artistique de cette troisième édition, a confié l’entrée de la salle d’exposition de Mains d’œuvres aux membres du collectif français Scenocosme qui y ont installé les plantes d’apparence normales, mais quelque peu spéciales, de leur dispositif “Akousmaflore”. Comme suspendues dans l’espace, leurs longues tiges descendent jusqu’à la hauteur de nos têtes, aussi les touche-t-on, ne serait ce que pour vérifier qu’elles sont vraies. Et c’est alors que l’on perçoit des sons, des notes de musique peut-être. Cet ensemble d’instruments à feuilles caressées peut évidemment être joué à plusieurs. Ainsi, les gestes des spectateurs devenus interprètes, parce qu’en totale cohérence avec la musique qui se joue, participent d’une forme de chorégraphie axée sur les forces invisibles qui les habitent et qu’ils transmettent, sans même les contrôler, à des plantes qui, dans leur état “naturel”, ne sont autres que les plus complexes des capteurs.
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Frederik De Wilde & LAb[au], “EOD02”, 2006 (Installation sonore). |
Toujours en banlieue parisienne, à Evry, Nicolas Rosette nous propose une déambulation dans le Théâtre de l’Agora. Or, ce deuxième “Circuit Eclectique” de la saison est aussi axé sur l’invisible puisqu’il s’articule autour de la notion de “vibration dans l’air”. Et c’est au rez-de-chaussée que les quatre aquariums du dispositif “EOD02”, conçu par l’artiste belge Frederik de Wilde en collaboration avec les membres du collectif LAb[au] basé à Bruxelles, ont été installés. À l’intérieur, il y a des poissons dont on apprend qu’ils sont aveugles et émettent des signaux électriques, tant pour percevoir leur environnement que pour communiquer entre eux. Ces mêmes signaux, sous la forme d’ondes ou d’impulsions, sont traités numériquement et influent sur l’environnement lumineux et sonore de l’installation. Vibrations, ondes et autres cliquetis : tout ce que l’on perçoit ici se situe entre communication et langage et n’a que le vivant pour origine.
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Pure Presence, “Hearing Ghosts”, 2008 (Installation sonore). |
Mobiliers sonores
Il est encore question d’écouter l’invisible lorsqu’une dizaine d’artistes investissent La Suite de la Maison Rouge, à Paris, sous le commissariat de Jean-Philippe Roux, le coordinateur du collectif Pure Presence, qui définit son exposition, “Hearing Ghosts”, telle : « Une chambre d’hôtel inoccupée où le mobilier est sujet à des manifestations sonores ». Jamais je n’ai vu autant de gens traquer des sons semblant provenir d’un au-delà. L’un l’oreille collée sur une table, l’autre scrutant une console, tous immobiles, ou presque, dans un temps se situant entre l’attente et l’écoute. À l’intérieur de chaque meuble : des vibrations ne se livrant que dans l’approche. J’ai cru entendre une cloche résonner, sans bien savoir d’où le son provenait. J’ai même découvert quelques bruits, dans l’un des quatre piliers de cette mystérieuse chambre d’hôtel, qui pourtant ne figuraient sur aucun programme. S’agissait-il de vrais fantômes ou plus probablement du grondement des sous-sols de la ville au passage d’une rame de métro ? De cette exposition, je suis sorti l’ouïe affinée, avant que ma vue, rapidement, ne reprenne le dessus.
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Lynn Pook & Julien Clauss, “Pause”, 2005 (Installation sonore). |
La facture instrumentale n’est définitivement plus le domaine réservé de quelques spécialistes. Il est même un festival parisien, dédié aux nouveaux “inventeurs d’instruments”, qui s’intitule Octopus et se tenait, pour sa cinquième édition, entre le Point Ephémère et la Maison des Métallos. Quelle n’a pas été ma surprise lorsqu’une médiatrice m’a proposé de me munir de bouchons à oreille pour mieux « percevoir la musique », composée par Lynn Pook et Julien Clauss, au moment de m’installer confortablement dans l’un des quatre hamacs de leur dispositif nommé “Pause”. Ces mêmes hamacs sont équipés de haut-parleur sans membranes transmettant des vibrations, par contact, en divers endroits du corps. Ainsi, c’est au travers de nos corps résonnants que la musique circule. Et s’il est encore question de spatialisation du son, celle-ci nous est interne. Où notre corps dans son entier n’est autre que le lieu de notre écoute.
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Wolf Ka, “Moving by Numbers”, 2008 (Dispositif audiovisuel avec danseuse). |
Entre installation et performance
Il n’est pas rare que des artistes collaborent entre eux. Ainsi, le système “audio tactile” utilisé par Wolf Ka dans “Moving by Numbers” a été développé par Lynn Pook et Julien Clauss. Cette installation comptait parmi la vingtaine de pièces sélectionnées par Carine Le Malet, la directrice artistique du troisième Cube Festival, pour être exposées dans la ville d’Issy-les-Moulineaux. Le spectateur y est séparé de la danseuse qui lui fait face par un miroir sans tain au sein d’une sorte de “Black Box”. Cette même danseuse, parce qu’elle est intégralement recouverte de blanc, fait partie intégrante de l’image projetée. Mais elle est aussi porteuse de quelques points de lumière autorisant la capture de ses mouvements et contrôle, par conséquent, les particules projetées. Chacun de ses gestes est inextricablement lié à l’image qui, littéralement, l’habille, la recouvre. La danseuse fait ainsi corps avec l’image durant que le spectateur fait corps avec le son. Deux relations intimes s’installent donc et cohabitent durant le temps de cette installation/performance.
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Kaija Saariaho & Jean-Baptiste Barrière, “Nox Borealis”, 1986-2008 (Dispositif audiovisuel). |
“Nox Borealis” compte aussi parmi les pièces dont la forme se situe entre l’installation et la performance puisque celle-ci a été présentée en installation à l’Institut finlandais et donnée en performance au festival Agora de l’Ircam. Les membres du public, à l’Institut finlandais, sont incités à s’étendre sur les énormes poufs qui jonchent le sol durant qu’un écran de grande taille, accroché au plafond, est incliné vers le sol. Les spectateurs se retrouvent ainsi dans la position de ceux qui aiment à contempler le ciel. La musique, composée par Kaija Saariaho, fait littéralement corps avec l’univers visuel développé par Jean-Baptiste Barrière. Les deux artistes, pour réaliser cette pièce, se sont inspirés des aurores boréales qu’ils ont observées au-delà du cercle polaire. Il y a, dans l’image, des filaments colorés et translucides qui sans cesse s’enchevêtrent pour former, parfois, quelques représentations que nos esprits interprètent selon l’état émotionnel de l’instant. Ces mêmes filaments, formant quelques chevelures divines ou drapées célestes, sont véritablement sensibles à chaque note de musique au point qu’ils semblent issus de la même énergie. Car c’est bien d’énergie dont il s’agit, au travers de ses représentations colorées et translucides.
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Tez, “PV 868”, 2008 (Performance audiovisuelle). |
De la performance au concert
Nombreuses sont les performances audiovisuelles, à l’instar de “PV868” conçue par l’artiste italien Tez, auxquelles on ne peut assister qu’au sein de lieux ou festivals dédiés aux arts numériques et aux nouveaux medias. Ainsi, c’est au Cube d’Issy-les-Moulineaux que Gilles Alvarez, le directeur artistique du festival Némo, propose à Tez de donner sa performance, quelques mois après sa prestation à Amsterdam durant Sonic Acts. A l’entrée, on nous met en garde : pas d’épileptiques dans la salle ! L’artiste est placé au milieu du public, comme pour mieux contrôler “PV868” en temps réel. Son vocabulaire formel est pour le moins épuré puisque seules quelques lignes et autres dégradés viennent perturber des aplats de couleurs vives. L’écran, lorsqu’il est totalement évidé par une même lumière colorée, nous évoque les espaces saturés de James Turrell. Et pour seuls repères : les découpes de nos voisins de devant que les lumières stroboscopiques dédoublent parfois. On pense alors inévitablement à Paul Sharits et ses films à clignotement. Tez ne cache pas non plus son objectif : s’adresser à nos cerveaux plutôt qu’à nos esprits en intervenant sur le rythme des images projetées comme sur le rythme des sons diffusés. Quant au public, impassible durant cette expérience sensorielle quelque peu extrême, il semble avoir basculé dans un état proche de l’hypnose à moins qu’il ne soit en phase de conditionnement.
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Maywa Denki, 2008 (Concert). |
Tout, sur la place Verdun d’Enghien-les-Bains en cette soirée du mois de juin, nous indique que l’on attend bien un concert : quelques microphones ont été disposés sur une scène encadrée de sa structure métallique porteuse de projecteurs. Mais l’événement est toutefois quelque peu exceptionnel puisque Dominique Roland, le directeur du Centre des Arts et initiateur de ces troisième “Bains Numériques” a programmé un collectif japonais portant le nom d’une société fondée en 1979 : la Maywa Denki ! Au début, il y a un générique dont les codes visuels ont été empruntés au monde de l’entreprise. Puis, les membres du groupe, portant tous des uniformes bleus, entrent en scène. Nobumichi Tosa, se faisant aussi appeler “Président”, présente alors quelques instruments de musique. Il est, durant ce temps, quelques spectateurs attendant encore le début du concert qui a pourtant déjà bien commencé et se poursuivra au rythme de la présentation des produits de la Maywa Denki Company. Ainsi, le Koi-Beat est une sorte de boîte à rythme qui se tient telle une guitare durant que le Pachi-Moku est un autre instrument à percussion constitué de deux ailes se déployant dans le dos du musicien. Tous ces objets composés des matériaux les plus divers et aux formes étranges sont électriques. Et puis il y a le célèbre Bitman, conçu en collaboration avec Ryota Kuwakubo, un autre artiste japonais. Il a la forme et la taille d’un Tamagotchi et renferme un petit personnage qui danse lorsqu’on l’agite. Et le “Président” de nous rappeler que le Bitman compte parmi les produits dérivés de la marque Maywa Denki qui seront en vente à la fin de la présentation ! Ou quand le marketing est élevé au rang de pratique artistique.
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Cléa Coudsi & Eric Herbin, “Other Side Break”, 2007 (Installation sonore). |
Circuits soniques
Enfin, comme chaque été depuis 2003, Philippe Franck, le directeur artistique du festival City Sonics, nous propose une déambulation sonore dans la ville de Mons, en Belgique. Il y a au début du parcours, cette année en salle Saint Georges, deux “circuits d’artistes” réalisés par les Français Cléa Coudsi et Eric Herbin. Ces derniers ont découpé puis assemblé quelques centaines de disques en Vinyl pour permettre à deux camionnettes modèle réduit équipées de saphirs, encore appelées “Vinyl Killer”, d’y circuler. Les vinyls, provenant de la collection personnelle des deux artistes, ont été découpés en portions allant du demi au douzième de disque, aussi il est assez rare que l’on identifie les mélodies. Quant au titre de cette l’installation, “Other Side Break”, il nous informe sur la culture “DJ Scratch” des deux artistes. Tout ici participe du principe de non détermination cher à John Cage, puisque il est difficilement imaginable que les camionnettes suivent les mêmes sillons, sachant d’autre part que leur vitesse dépend de la luminosité ambiante. Ainsi, le “Cut Up sonore” qui s’invente dans le temps de notre écoute n’est autre que la traduction, par le son, des déplacements tant dans l’espace que dans le temps de ces deux objets aux allures de jouets d’enfant. L’aléatoire n’est-il pas une des composantes essentielles de ce que l’on nomme aujourd’hui le Sound Art ?
Article rédigé par Dominique Moulon pour Images Magazine, septembre 2008.
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